LE LANGAGE DES VISCERES
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Pour Amine
dust of my dust
sans qui ce texte
n’aurait jamais existé.
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LE LANGAGE DES VISCERES
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étrons passés par là avant
j’en doute et je nivelle
je plateforme
je bouche
je bande pas de façon continu
non c’est pas ça
c’est le bas du ventre
le genou
le morceau de peau
la dent qui manque
le nerf facial comme on dit si bien chez nous
le bac à sable orange
orangé rouge
l’enfant qui fait tomber l’autre enfant
sur le genou
la tranche de pain
le goût du chocolat
un peu partout
la tache marron sur le coude
la coque et l’entre cuisse
la dent qui manque
l’éclat l’acier
l’acier blanc
la tranche de citron salé
sur la peau
quand tu bouges un peu trop
longtemps
l’assise
la viscère
le renoncule
la pliure
le sang sur un grain de beauté comme un saphir bleu ouvert
le bilboquet
la balançoire
le géranium
où nous marchions ensemble
debout assis
debout transfiguré
encore assis dans les combles
ensemble
où il fait frais
il fait soleil
il pleut
je ne sais pas
après la pluie
c’est le soleil
ou c’est l’été
c’est la bouche
c’est la feuille de thé
pliée en 4
je ne sais pas
j’entame un fruit
un fruit nouveau
un morceau de langue
une langue de chat
du lait la peau
la peau du lait sur le dessus
endormi
mordu
contaminé
sèche
je te regarde
je ne suis pas seul dans ta chambre
je suis avec un autre
il est quelle heure dans cette partie là du monde
comment voulez-vous que je me repère
je ne trouve pas ma montre
je n’ai jamais porté de montre à mes poignées
j’ai trois portes dans le corps
d’un autre
à soixante quatre pulsations minutes
c’est toute la distance qu’il me reste encore à faire
on ne peut jamais être juste avec toutes ces choses là
je me retourne
je balbutie des trucs
je vise bien la tête
je me cogne à l’angle de la rue
la rue est calme
la rue est obsessionnelle
la rue est magnifique
la rue la ville et ses accensseurs en fers
mécaniques et opérationnels
comme un nerf ligaturé
au bas du dos
dans la nuque
je mens
je me rattrape
je n’écris pas
je peins
je n’écris pas
je me coupe la peau avec une feuille de dessins A4
noire et blanche
violette à liserai vert
comment te dire
comment respirer
comment te dire
comment dessiner tes yeux
qui s’ouvrent dans le chlore de la piscine
ouverte entre midi et 2
je mens
je n’écris pas
je mens
je suis le plus grand écrivain du monde
je suis un écrivain raté
je suis le plus grand écrivain du monde
je suis un écrivain raté
je tremble
et j’ai peur
je suis devant vous
je n’écris pas
je mens
je n’ai jamais écrit ça
je casse une branche et une biscotte en deux
l’ai-je bien coupé
la viande
et la biscotte en deux
le corps de l’autre
le corps de l’autre
rien que ça
la peau comme du plastique souple
et transparente
à souhait
la viscère mentale
l’ai-je bien visé aussi
la viscère mentale
quand le fleuve est en avance sur nous
je me coupe impeccablement là
ici
en évitant la sangle
pour me rappeler de tout
c’est vert c’est lisse
c’est élancé ça coule vite
ça s’amplifie partout
ça sent la merde
rapproche-toi
ça sent la merde
c’est froid et presque chaud
ça glisse c’est opaque ça colle
merci
ça va aller
pour tout
merci encore
je ferme la porte
le courant d’air
c’est dans la chambre que tout se passe
je tremble un soir sur 2
c’est l’eau
c’est l’eau conique
et c’est l’eau de l’été
c’est toi qui frappe à la porte
il est quelle heure quand tu fais ça le mieux
tu rentres quand dans moi
pour que je me coupe le nerf
du pied
mon névrome
de Morton
c’est l’eau
c’est le ventre
c’est l’eau chaude ou bien l’eau froide
qui déborde en premier
qui fait le plus mal
qui fait le plus de bruit
qui coupe nos langues en deux
et en petits morceaux
identiques
et souples
c’est l’eau
c’est l’eau dégueulasse et toxique
c’est nous
c’est nous dans la chambre cassés en 2
dans la voix de l’autre
qui dit très calmement
souffre seul et en silence
ou prend tes médicaments
je n’en peu plus de tout ça
quelque chose est cassé entre nous
mais l’eau
c’est pas forcément quelque chose
de plus souple ou de détérioré
l’eau sous tes ongles peut prendre une toute autre forme
la forme que prennent tous tes ongles sous l’eau
ce sont tes jupes et tes bottes
et tes yeux délicieux
après le chlore de la piscine
ouverte entre midi et 2
cette voix conique qui pousse au meurtre
c’est jaune et ralentis
c’est sec et liquide
c’est ton petit ventre rose comme du magnolia brun
c’est comme une flaque de pétrole
écrasé dans une fleur
qu’on laisse bleue derrière soi
qu’on traine à bout portant
de la chambre à la chambre
en passant par de multiples portes
qu’on transforme et qu’on jette en avant
comme de la mie de pain
quand l’autre aura soif
quand l’autre aura envie
quand l’autre aura mal au ventre
quand l’autre ne sera plus qu’une merde
aspirante
féconde
fécale
et odorante
je ne juge pas
la plateforme était déjà trop glissante
trop petite
et trop haute
je tombe sur quelque chose de moue
de chocolat
de marron
de lourd et d’évasé
de si léger léger
qu’elle ne tombe plus comme avant
tes petites culottes du soir et du matin
que je cherche encore dans mes poches
dans mes draps
dans mes ventres
dans la peluche
dans la dent qui manque
dans le bac à sable
orange
toute la journée
je retourne des sacs
toute la journée
je retourne me laver les mains
quatre vingt six fois par jour
j’ai recompté
ton fil à coudre est dans la peau
quatre heures que je fais ça sans m’arrêter
du pochoir rouge dans ta cage d’escalier
pour toucher ta clavicule gauche
avec mes angles droits
tire moi la langue
tire moi quelque chose d’encore plus dure sous la peau
que je l’attrape avec agilité
le ventre blanc de ton petit lapin rose
ta peluche préférée
ta poupée russe sans tête
et sans corps
tu sais
la peau
le corps
tout ça
la dent qui manque
le bac à sable orange
la glace
l’enfant qu’on pousse dans le vide
où nous nagions ensemble
tu sais les découpes
dans les muscles
se sont des petits fleuves miniatures
des ratures
des ramifications étranges
striées
des petites coupures
des écorces de citron
secs et blanches
pour construire un pont
entre la chambre et la chambre
quand la chambre est devenue trop petite
on n’en peut plus de tout ça
de traverser la cour pieds nus
le damier noir contre le damier blanc
la feuille A4
pour torcher le cul
du fou abîmé
le fou abîmé c’est moi
petit petit
menu menu
alors qu’il fallait un mince cheveu
pour pouvoir tenir tout ça
en équilibre
à distance
dans un endroit sûr
dans un coffre à jouet
dans une boîte crânienne
que sais-je encore
il fallait les doigts dans la bouche de l’autre
pour le faire vomir après les courses folles
dehors dedans
après avant
difficile à dire
difficile à comprendre
difficile à écrire
difficile à expliquer
tu sais
tout ça c’est à cause de la peau
c’est le deuil impossible à faire
après
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Samedi cinq avril
deux mille huit vers
minuit trente une heure
du matin à Paris
au Pestacle un micro
dans la bouche sept
feuilles A4 entre les
mains sous une
lumière orange
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